vendredi 28 août 2009

Repenser la politique avec André Gorz

Les écrits concernant André Gorz se multiplient. La redécouverte du penseur et philosophe éclaire les recherches politiques de notre temps. On ne peut plus, désormais, depuis son dernier livre (Écologica, éditions Galilée, 2008), agir en citoyen en ignorant son apport décisif!

Passé derrière le miroir, André Gorz (1923-2007) nous regarde encore.

Connu comme un philosophe, essayiste et journaliste dont la pensée et l’engagement se sont formés en contact étroit avec l’existentialisme sartrien, le marxisme et l’écologie, André Gorz (qui nous a brutalement quittés, avec son épouse, en septembre 2007) a enrichi la philosophie sociale d’une œuvre critique qui fait de lui le principal théoricien de l’écologie politique en France.

Le premier essai sur André Gorz par Arno Münster aux éditions Lignes

http://www.arnomunster.net/pages/andre-gorz-philosophie-socialisme.html

Né à Vienne en 1923 (sous le nom de Gérard Horst), exilé en Suisse en 1938 (année de l’Anschluss), il devint un proche de Sartre dans les années cinquante et s’installa à Paris. Tour à tour responsable des Temps Modernes à la fin des années soixante (revue à laquelle il participait depuis 1961), puis cofondateur du Nouvel Observateur, sous le nom de Michel Bosquet, il vivait retiré dans l’Aube depuis le début des années quatre-vingt.

Avec des livres tels que Réforme et Révolution (1969), Écologie et Politique (1975), Métamorphoses du Travail (1988), Capitalisme, Socialisme, Écologie (1991) ou Misère du Présent, richesse du Possible (1991), Gorz est devenu l’intellectuel critique et radical dont les thèses concernant le travail, l’écologie, l’économie, le productivisme ou le rôle du prolétariat (Adieux au prolétariat ?, 1980) ont connu un écho considérable dans le monde entier. Cela, non seulement en raison du diagnostic lucide qu’il porte sur l’état réel de nos économies et de nos sociétés de capitalisme avancé (à l’ère de l’automatisation, de la robotisation, et de la révolution micro-informatique), mais aussi parce qu’il s’attache à penser concrètement les conditions d’une rupture avec le capitalisme. Il était convaincu que « l’exigence éthique d’émancipation du sujet impliqu[ait] la critique théorique et pratique du capitalisme, de laquelle l’écologie politique est une dimension essentielle. » (Ecologica, Galilée, 2008).

Plusieurs auteurs rendent ensemble hommage à André Gorz (éditions la Découverte)

S’il a partagé l’enthousiasme de Mai 1968 pour les utopies et les modes de vie alternatifs, Gorz a toujours affiché un réalisme congédiant la vision romantique de l’attente impatiente de la « révolution au grand soir » et souligné que l’alternative éco-socialiste au capitalisme dominant ne pouvair se construire que lentement : par un processus de mise en place de contre-pouvoirs permettant la transition du mode de production aliénant du système capitaliste vers un mode de production éco-socialiste auto-géré.

Pour entendre la voix d'André Gorz : un livre plus CD ; André Gorz ou la société libérée (éditions Textuel 2009)

dimanche 16 août 2009

Écologie, non-violence et industries nucléaires

Le Président Mahmoud Ahmadinejad a annoncé, le 11 avril 2009, l’entrée de l’Iran dans l’ère nucléaire mais à des fins civiles. Seraient maîtrisées les différentes phases expérimentales d’enrichissement de l’Uranium pour être utilisé dans les centrales nucléaires. Un divin spectacle a même été organisé autour des tubes d’hexafluorure d’Uranium lors de cette déclaration, avec des colombes, des habits traditionnels. Bref, « Dieu est grand », comme il a été déclaré lors de cette démonstration de force ...


Ces temps de tension extrême causée par les bouleversements climatiques, économiques et financiers accompagnent une mutation de civilisation qu'on s'acharne à désigner comme une crise.

S'il s'agissait de crise, on pourrait concevoir un retour complet ou partiel à une période antérieure. Or, il n'en sera rien parce que notre système tout entier a atteint un point de non retour.

Il y va de l'avenir de l'humanité après que l'action d'une partie des acteurs et décideurs a engendré des désordres sociaux et des injustices chroniques aux effets planétaires dévastateurs.

Le signe le plus évident de ce bouleversement des rapports humains dans leur productions, leurs commerces, leurs circulations, leurs approvisionnements, leurs habitats est apparu quand il est devenu manifeste que nous ne pourrions plus, durablement, fonder notre économie sur une énergie à bas coût. Le pétrole s'épuise et les énergies renouvelables de remplacement ne sont pas encore prêtes à jouer le même rôle dans nos industries, nos transports, et nos agricultures.

Vivre simple, entrer dans des dynamiques nouvelles dites « douces », restituer sa place à chacun des Terriens qu'on le considère comme notre égal, notre semblable ou notre prochain n'est pas incompatible avec les textes d'appui de notre orientation non-violente et, mieux encore, s'y trouve explicitement ou implicitement logé depuis des décennies.

Le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement, elle-même faisant partie de la Constitution française, conduit à mesurer, avec la plus grande prudence, sur notre vaisseau intersidéral limité, impossible à abandonner avant très longtemps, les effets de l'activité produite par sept milliards de personnes embarquées, bientôt dix...

Là surgit le risque mal apprécié, jusqu'à ce jour, d'un maintien et d'un nouveau développement des énergies nucléaires. L'humanité ne peut vivre sous la menace de nouveaux Tchernobyls ou de conflits nucléaires au Pakistan, en Iran, en Chine, en Corée ou ailleurs. Les liens entre les technologies civiles et militaires sont, dans le domaine nucléaire, patents et avérés.


Afficher l'image en taille réelleLes déchets nucléaires, dont on ne sait toujours pas se débarrasser autrement que par l'enfouissement, s'accumulent dans des quantités énormes et placent les populations sous l'effet d'une radioactivité contaminant des régions entières. Les mines d'uranium sont abandonnées en France, mais les gravats et déblais, étalés ici ou là, restent, comme l’a révèlé la CRIIRAD, actifs et nocifs. Les mines où nous nous approvisionnons en Afrique, et singulièrement au Niger, sont autant de lieux mortifères et tout donne à penser que ces exploitations constituent le signe d'un néo-colonialisme économique brutal. Les zones, au Sahara comme dans le Pacifique, où ont été réalisées des expériences nucléaires aériennes ou souterraines, restent polluées et les témoins de ces expériences, vétérans ou personnels employés, comptent, parmi eux, de nombreux malades atteints très gravement par les effets à long terme des irradiations.

Il ne saurait y avoir de lutte contre la prolifération nucléaire séparée de l'encouragement à la construction de centrales nouvelles, de type EPR ou pas. Il n'est pas d'un côté des États-voyous à interdire absolument d'accès au nucléaire et, de l'autre, des États « démocratiques » s'arrogeant des droits interdits aux autres! Non seulement les crédits destinés au développement massif des sources d'énergies renouvelables ne peuvent être accompagnés par de très lourdes dépenses supplémentaires consacrées à la réalisation des nouveaux sites nucléaires, civils ou/et militaires, mais il convient de prendre en compte l'approche de la fin du combustible nucléaire fossile et l'obligation de traiter les centrales en fin de vie industrielle mais, pour très longtemps, présentes dans nos paysages. Il n'y aura pas de politique écologique effective sans un abandon progressif du nucléaire civil et un renoncement à des défenses fondées sur ces énergies, meurtrières pour de longs siècles.

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