mercredi 24 novembre 2010

Haïti : la honte du monde entier

Dans quel monde vivons nous donc ? De quel environnement parle-t-on quand destructions, abandon, meurtres, famine, choléra s'ajoutent aux séismes et aux ouragans ? Haïti est à notre porte mais nous la laissons fermée...

Haïti, de drame en drame : un philosophe y est allé voir; il a vu; il témoigne.




Le dérisoire et le tragique

Être en Haïti, aujourd’hui, c’est d’abord et avant toute chose, la honte d’être français, d’être européen, d’être ressortissant de l’un de ces pays qui a sa place au banquet du monde.

Depuis mes derniers passages en mars et en juin derniers, rien n’a changé dans le paysage urbain. Toujours autant de ruines, de gravats au milieu des rues. Quelques hangars dressés ici ou là à la va-vite pour abriter cette part d’activité qu’on ne saurait différer. Toujours ces arbres qui semblent défier les désastres passés, présents et à venir, comme s’ils voulaient témoigner d’une vie dont le sens, ici, semble s’être perdu. Pas de mendiants dans les rues de Port-au-Prince, ce sont les neuf dixièmes de la population pour qui, chaque matin, la question du repas du soir se pose comme inquiétude permanente.

Ah si, un changement, notable celui-ci. Partout des affiches électorales. On va élire le président. Pas moins de dix-neuf candidats. Le verdict populaire est là : l’argent de l’aide internationale suscite la convoitise. Un regain de profitation diraient les voisins guadeloupéens ! Entre le pantin qui se veut le plus beau gars que jamais Haïti puisse avoir comme président et dont le titre de gloire est d’avoir 12 enfants de 8 femmes différentes – attention c’est le dauphin désigné de l’actuel président ! – l’intellectuelle de renom dont le mari a été porté au pouvoir il y a deux décennies par les militaires, le chef d’entreprise qui va rétablir cet ordre mirifique des salaires sans plancher ni cave, les nombreux héritiers putatifs d’Aristide qui se disputent un patrimoine dont aucun n’ose dire le nom… Les affiches sont là pour ne rien dire. Juste afficher un visage. Un slogan qui pourrait tout aussi bien convenir à une pâte dentifrice qu’à une assurance automobile. Et tous, dans la presse d’y aller de leur refrain : « ne vous laissez pas voler votre vote ». Comme si ça pouvait se voler ces votes là, déposition d’un papier dont chacun sait qu’il est vierge de toute
espérance, dégagé de toute réalité concrète, pas même porté par un quelconque souci de mémoire.

La mémoire, pourtant Haïti n’en manque pas. Oh ce n’est pas une mémoire immédiate, rien de cette attention au présent dans laquelle un sujet s’inscrit comme potentialité. Spot télévisé : « bientôt, vous serez appelé à venir déposer les noms des disparus du 12 janvier dans un lieu qui vous sera indiqué. » Jarry en eût fait une maxime, Swift un conte cruel, Borges une fiction. Mais là c’est le réel, ou plutôt ce que le réel nous réserve comme dérisoire lorsque la tragédie paraît.

Car la tragédie, même si les chiffres officiels tentent d’en réduire la portée, elle est là et bien là. Le choléra. Maladie de pauvres. Ombre de tous les regards. Inquiétude de chacun au moment de serrer la main de l’ami de toujours. Le choléra, on l’a dit d’abord casanier, soucieux de prendre ses aises dans l’Artibonite comme si le nom de cette région lui inspirait on ne sait quelle coquetterie langagière.

Il y a peu, un responsable de l’Organisation panaméricaine de la santédéclarait : «Ainsi je pense que nous avons tout en place pour faire face àune situation dont nous savons qu'elle va s'améliorer». Et depuis, le nombredes morts ne cesse de progresser. Le nombre et ses oublis, ses omissions, ses retards de facturation. Pendant ce temps, du côté de la Minustah on inspecte les terres vierges aux alentours de Port au Prince pour voir où il sera possible de creuser des fosses communes. Les produits chlorés, lesdésinfectants… Tout manque. Les commandes sont passées, des distributions sont organisées, mais rien au regard des exigences du présent. Un parlementaire du sud-ouest, la région la plus éloignée du foyer de l’épidémie, m’a dit que pour la seule journée d’aujourd’hui, dans sa région « épargnée », on comptait vingt morts. Pour les semaines à venir, on attend le pire. C’est exactement cela : on attend le pire ! On n’a pas d’autres
ressources que d’attendre le pire !

Et la communauté internationale ? Ces gens qui planifient avec brio les conditions de régulation du libre-échange ? Pas de souci à avoir ! Ils savent prendre l’air de circonstances. « Tout sera fait ». Oui, tout sera fait pour que l’illusion du monde commun persiste là où ce monde est quadrillé de barrières inviolables. Tout sera fait, et bien fait, pour les tenir à l’écart ces pauvres, pour qu’aucun d’entre eux n’ait l’illusion qu’un autre avenir puisse être possible que ce dérisoire morbide.

En attendant, ils manifestent, ces pauvres. Et, comme de droit, ils reçoivent leur part de répression. Gaz lacrymogènes sur les campements du champ de mars. Peut-être à des fins prophylactiques ?

Mais pas de crainte, la communauté internationale est là. Elle a même tenu colloque le 21 à Port au Prince sur le choléra. « Colloque sur la contribution de la société civile à la lutte contre le choléra ». Non, ce n’est pas une invention. Tenu à l’hôtel le Plaza. Pas de crainte, l’eau minérale venait d’Europe et les toilettes y étaient scrupuleusement désinfectées. 200.000 morts, c’est l’estimation moyenne pour les mois à venir. Une vraie contribution à l’idée de société civile…

Oui, quand on est à Port-au-Prince, on ne peut qu’avoir honte de ce monde qui sait si bien faire des colloques et qui, dans un an, peut-être deux, fera passer sur les chaînes de radio et de télé un spot demandant à ces braves gens de la société civile de venir donner le nom de leurs proches, morts du choléra. Et s’il ne reste personne de la famille pour venir donner le nom des disparus, eh bien on les oubliera. Toujours ça de moins à mettre au compteur de la mort ignoble, de cette mort qu’on aurait pu arrêter, de ces ruines qu’on aurait pu redresser, de ces systèmes d’adduction d’eau potable qu’on aurait pu installer.

Le dérisoire et le tragique… Notre histoire ne sait plus balbutier que ça. Du moment que la communication va, tout va. Restera un jour la honte d’avoir laissé faire ça, mais ce sera l’affaire des nécrologues de l’histoire. Comme au Rwanda et comme ailleurs. Comme en tous ces lieux où le monde, notre monde civilisé, si orgueilleux d’avoir inventé les droits de l’homme, s’emploie à disposer sa misère avec comme seul droit de se taire et de courber l’échine. Avec comme seule perspective d’attendre, encore et toujours, le pire.


Éric Lecerf

lundi 15 novembre 2010

Remaniement au profit du nucléaire

Oui, le nucléaire se condamne, peu à peu... Il n'a pas l'avenir devant lui.

Pourtant les nucléocrates ont encore de beaux restes !
À preuve : pourquoi l'Énergie quitte-t-elle le ministère de l'Écologie ? « Cela fait des mois qu'EDF essayait de sortir de là », confie un bon connaisseur du dossier. Se retrouver rattaché au ministère de l'Économie est une victoire du lobby nucléaire, diront les antis. En tout cas, c'est une rupture évidente avec le Pacte écologique de Nicolas Hulot.

Avec le sarkozyste Eric Besson comme ministre de l'énergie, pas de risque de voir vaciller les fondamentaux de l'énergie à la française, à savoir le tout-nucléaire. En tant qu'élu de la Drôme, qui compte de nombreuses centrales telles que Le Tricastin, Eric Besson a déjà eu à défendre l'emploi dans ce secteur, comme le rappelle Arnaud Gossement, ancien porte-parole de France nature environnement sur son blog.



« 2011 est une année cruciale : 70% des centrales nucléaires vont passer leur visite décennale. Pour EDF, il n'était pas question de se faire inspecter par le ministère de l'Écologie ! »

Nathalie Kosciusko-Morizet, nouvelle ministre de l'Écologie, ne se serait d'ailleurs pas accrochée et se serait même dit « soulagée de voir les grognards du nucléaire partir ». Au passage, il faut noter que la nomination de Patrick Ollier aux Relations avec le Parlement n'est pas une bonne nouvelle pour les partisans du développement des éoliennes : il avait en effet commis un rapport très défavorable, qui avait inspiré la loi Grenelle II.



http://www.arnaudgossement.com/

vendredi 5 novembre 2010

Le nucléaire s'est condamné en n'existant que par la force


Communiqué de presse du 5 novembre 2010


Contre les déchets nucléaires et le « train d'enfer », 25 mobilisations en France les 5 et 6 novembre (et beaucoup d'autres en Allemagne)

Le « train d'enfer » qui part aujourd'hui est l'un des convois de déchets les plus radioactifs de l'histoire. La radioactivité totale de ce convoi (soit 3917,4 millions de milliards de becquerels) représente deux fois celle dégagée par la catastrophe de Tchernobyl. Et ce convoi roule sans assurance réelle.

Le départ de ce convoi est prévu aujourd'hui à 14h20 de la gare de Valognes (Manche). Il doit atteindre Gorleben (Basse-Saxe) demain samedi 6 novembre, pour ramener en Allemagne onze conteneurs de type CASTOR, qui contiennent des déchets nucléaires vitrifiés de très haute activité.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" rappelle qu'il n'existe aucune solution pour ces déchets dangereux. Ils ne doivent pas être entreposés indéfiniment à La Hague, mais ne doivent pas non plus être stockés à Gorleben : ce site est complètement inadapté. Les centres de stockage « définitif », comme le Centre de Stockage de la Manche, ou la mine de sel d'Asse en Allemagne, ont été présentés à leur ouverture comme des sites sûrs. Leur gestion se révèle en réalité aujourd'hui absolument catastrophique. L'enfouissement n'est pas une solution, ni à Gorleben en Allemagne, ni sur un site comme Bure (Meuse). Les déchets nucléaires ne sont ni biodégradables, ni recyclables. Le « retraitement » est un leurre, qui génère en réalité des quantités considérables de déchets supplémentaires, et d’importants rejets radioactifs. Il ne « recycle » que des quantités infimes de matière. L’enfouissement n’est qu’un moyen d’escamoter un problème ingérable. C'est bien les entreprises allemandes qui ont produit des déchets (EON, RWE,Vattenfall et EnBW) qui doivent en assumer toute la responsabilité financière et écologique.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" demande le retour des déchets radioactifs allemands dans les centrales nucléaires qui les ont produits. Face à l'impasse des déchets nucléaires, une seule solution : arrêter d'en produire ! La sortie du nucléaire est possible, en particulier par les économies d’énergie, la sobriété énergétique et les énergies renouvelables.

http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=actualites&sousmenu=communiques&page=index#