dimanche 2 mai 2010

D'Illich à Gorz : l'actualité des disparus.


Ivan Illich (1926-2002)

Dans un texte prophétique : Leur écologie et la nôtre (écrit en 1974 !), André Gorz expliquait, voici 34 ans, la différence entre une écologie qui est une fin en soi et une écologie qui n'est pas une fin en soi, mais une étape.

Dans un cas, on travaille à l'amélioration de la vie sur la planète, dans l'autre on lutte contre la cause de ce qui salope la planète et qui crée des conditions de vie écologiquement insupportables. Il est bien deux écologies : une est récupérable par "le Système", l'autre est incompatible avec "le Système". Il faut choisir !

Extrait :
Comment ne pas voir que le ressort principal de la croissance réside dans cette fuite en avant généralisée que stimule une inégalité délibérément entretenue : dans ce que Ivan Illich appelle "la modernisation de la pauvreté " ? Dès que la masse peut espérer accéder à ce qui était jusque-là un privilège de l’élite, ce privilège (le bac, la voiture, le téléviseur) est dévalorisé par là même, le seuil de la pauvreté est haussé d’un cran, de nouveaux privilèges sont créés dont la masse est exclue. Recréant sans cesse la rareté pour recréer l’inégalité et la hiérarchie, la société engendre plus de besoins insatisfaits qu’elle n’en comble, le taux de croissance de la frustration excède largement celui de la production "

Tant qu’on raisonnera dans les limites de cette civilisation inégalitaire, la croissance apparaîtra à la masse des gens comme la promesse - pourtant entièrement illusoire - qu’ils cesseront un jour d’être " sous-privilégiés", et la non-croissance comme leur condamnation à la médiocrité sans espoir. Aussi n’est ce pas tant à la croissance qu’il faut s’attaquer qu’à la mystification qu’elle entretient, à la dynamique des besoins croissants et toujours frustrés sur laquelle elle repose, à la compétition qu’elle organise en incitant les individus à vouloir, chacun, se hisser "au-dessus " des autres. La devise de cette société pourrait être : Ce qui est bon pour tous ne vaut rien. Tu ne seras respectable que si tu as " mieux " que les autres.

Or c’est l’inverse qu’il faut affirmer pour rompre avec l’idéologie de la croissance : Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d’être produit ce qui ne privilégie ni n’abaisse personne. Nous pouvons être plus heureux avec moins d’opulence, car dans une société sans privilège, il n ’y a pas de pauvres.

André Gorz l'affirmait en 1974 dans le mensuel Le Sauvage et, en 1975, en introduction du recueil Écologie et politique Le Monde Diplomatique le reprend en mars 2010.
Voir aussi :
http://la-bas.tarn.over-blog.com/article-texte-leur-ecologie-et-la-notre-andre-gorz-1974-merci-a-claude-48598313.html


André Gorz (1923-2007)

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