dimanche 19 décembre 2010

L'impasse écologique



Ce n'est pas l'écologie qui est dans l'impasse, ce sont les partisans et les adversaires de l'écologie qui s'y retrouvent ensemble. La contradiction, l'aporie, c'est qu'il faille penser et faire une chose et son contraire ! On ne peut ni arrêter ni continuer de faire ce qu'on fait dans le domaine économique. J'ai relevé la provocation ironique suivante, dans le livre à quatre mains auquel collabore Sylvestre Huet, mon ami, journaliste scientifique à Libération :
"Quand on a la croissance, il faut tout faire pour la conserver, donc ce n'est pas le moment de s'occuper de l'environnement; quand on ne l'a pas il faut tout faire pour la retrouver et donc ce n'est pas non plus le moment non plus de s'occuper de l'environnement" (1)

Comment sortir de ce piège et du reste peut-on en sortir ? Quand on ne sait quel chemin prendre, ou bien on va à reculons pour retrouver une information qui peut guider, ou bien on va de l'avant quoi qu'il arrive, à ses risques et périls. Sauf qu'en l'occurrence, ce n'est pas de la marche solitaire du randonneur qu'il s'agit ! Dans ce cas, le choix à faire est alternatif. Hors, actuellement, il s'agit de flots humains qui se dirigent vers des objectifs incompatibles ou, pire, qui agissent, successivement, pour obtenir des résultats qui au mieux s'annulent et, au pire, se superposent et détruisent les fondements de l'action économique.

La crise qui, redisons-le mille fois, n'en est pas une, qui est multiple (économique, financière, écologique, climatique, universelle, bancaire...), qui est autre que tout ce qui a été connu jusqu'ici, oblige à des décisions, lesquelles sont hâtives ou mauvaises car prises dans un cadre social, économique et politique qui se brise. C'est le cadre qu'il faudrait changer et c'est le cadre qu'on ne veut et qu'on ne sait changer.



Il n'y a, en bref, de solution que dans la rupture avec le système capitaliste mais toutes les tentatives pour échapper à ce système ont historiquement échoué ! On n'ose donc pas y toucher ! Le fascisme et le communisme soviétique ont laissé des traces si cruelles dans l'histoire du monde que l'on s'en tient à rechercher comment améliorer ce qui est. Et voilà le paradoxe : on ne peut ni tout changer ni rien changer ou, pour être plus clair encore, on ne peut ni fuir ni affronter le danger. On subit. On attend. On espère une nouveauté qui débloque notre paralysie.

Les tenants de la décroissance ont beau avoir raison (quand ils disent : celui qui a la liberté de tout faire n'est pas libre du tout et à vouloir vivre sans limites on butte sur des limites infranchissables), ils n'ont pas prise sur le réel. Eux au moins peuvent s'en rendre compte, mais les maîtres de la finance et de l'économie perdent pied, à leur. Ce qui se passe en Europe, pour plusieurs états "en voie de sous-développement", en attendant les autres, n'est ni maîtrisé ni maitrisable. Ce qui se passe en Asie qui conduit là d'où l'occident s'englue, dans la surproduction inégalitaire et la promotion de l'inutile, ne constitue qu'une énorme bulle spéculative et activiste où les techniques savantes sont confisquées pour satisfaire de faux besoins.


Le carbone ne s'achète pas

Jamais donc l'écologie politique ne s'est trouvée mieux nourrie par les faits, et faire l'autruche, pour les consommateurs conditionnés par un espoir de plaisir que le foie gras de Noël ne comble pas, ne peut davantage durer que la neige qui embellit l'ensemble immense du paysage depuis quelques heures, ce 19 décembre 2010.

Ce qui est détestable, c'est d'attendre. D'attendre que le ciel nous tombe sur la tête ou qu'il s'illumine d'un seul coup pour nous révéler ce que nous n'avons pas voulu voir. Comment ne pas rester passif ?

Je ne vois à cela qu'une seule réponse : il faut tenter d'éviter tous les comportements que les médias, la publicité, les bavards radoteurs nous suggèrent à chaque minute. Dure ascèse ! Et, comme toujours, ce sont les sans, les privés de tout, qui ouvrent des espaces de pensée pour eux-mêmes et nous tous : le monde du plus a failli. Avant même de savoir où l'humanité s'engage, il faut commencer à vivre autrement. C'est tout à la fois plus simple et beaucoup plus compliqué que de faire-de-la-politique-autrement.

Je n'ai besoin ni de croissance ni de décroissance. Ce qui s'épanouit n'obéit à aucune loi figée, à aucune certitude définitive. Vivre en société est un art bien plus que l'obéissance à des textes.

(1) Jérôme Chappelaz, Olivier Godard, Sylvestre Huet, Hervé le Treut, Le changement climatique, les savoirs et les possibles, Collection dirigée par Isabelle Joncœur, Paris, éditions La Ville brûle, 2010.

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