vendredi 16 mars 2012

L'écologie a besoin de la voix de Nicolas Hulot

Qu'on ait eu, ou pas, de la sympathie pour Nicolas Hulot, la question n'est plus là ! Il n'est pas candidat, mais il a quelque chose à dire. Ce qu'il dit et va dire peut-il peser ? Je veux le croire !

Nicolas Hulot : « L'écologie est redevenue une variable d'ajustement »

 philippe merle/afp

Pourquoi l'écologie est-elle si peu présente dans la campagne ?

Je constate avec chagrin et consternation que, cinq ans après l'avoir signé, les hommes et les appareils politiques n'ont pas travaillé sur le Pacte écologique. Le niveau d'indigence de leur diagnostic et de leurs propositions est à peu près le même qu'en 2007. L'écologie ne fait même plus partie de leur sémantique. C'est redevenu une variable d'ajustement, alors que nous sommes en pleine crise économique, écologique et de civilisation. Il y a une orthodoxie presque crasse à vouloir rester à la fois sur les mêmes perspectives économiques et à garder notre modèle de société, qui pourtant ne fonctionne plus.

Vous oubliez le Grenelle de l'environnement.

Je ne dis pas qu'il ne s'est rien passé depuis 2007. Et n'en déplaise à certains, on ne peut pas considérer que le Grenelle soit une coquille vide et n'ait eu aucun impact. Dans le bâtiment, notamment, nous avons gagné avec l'instauration de normes structurantes dans le neuf. Mais le Grenelle n'était qu'une première étape. Aujourd'hui, l'actuelle majorité considère avoir rempli son devoir et s'estime mal payée en retour. D'où, chez elle, cette sorte d'exaspération sur l'environnement qui s'exprime régulièrement. A gauche, le sujet est traité à la marge alors que tous les signaux sont au rouge. On ne parle plus de la crise climatique. A croire qu'elle a été réglée ! Pourtant, chacun peut comprendre que diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre, comme nous nous y sommes engagés dans le cadre du protocole de Kyoto, ne pourra pas se faire par des simples aménagements.

La crise ne joue-t-elle pas contre l'écologie ?

De la part du citoyen, le désintérêt pour l'écologie peut tout à fait se comprendre. Comment peut-on vous en faire le procès quand vous êtes à 20 ou 10 euros près par mois et quand vous manquez de visibilité sur l'avenir de vos enfants ? Par contre, il est de la responsabilité des hommes politiques, je dirais même de leur dignité, de ne pas se limiter à un catalogue de mesures à court terme cantonnées aux préoccupations quotidiennes. Cette campagne participe à une sorte de mystification générale. On se limite à déplacer les curseurs : ici un peu plus de TVA, là un peu plus de taxation des plus riches. C'est sympathique, mais c'est plus symbolique qu'efficace, surtout sans vision d'ensemble. La question clef est occultée : comment va-t-on faire avec un budget plombé par la dette et qui ne laisse plus aucune marge aux États ?

Que proposez-vous ?

Il faut transgresser les dogmes. Nous proposons d'abord que les banques centrales, à travers des banques d'investissement comme la BEI, financent la transition écologique, énergétique et sociale. Au niveau de la France, nous avons évalué à 60 milliards d'euros par an l'effort à réaliser dans les transports, le logement, l'agriculture, la biodiversité. L'austérité n'est pas la réponse à la crise écologique. Ensuite, il faut aussi aller chercher l'argent là où il est. L'idée d'une taxation sur les transactions financières, que j'ai portée auprès du président Chirac, m'a fait passer à l'époque pour un altermondialiste de salon. Aujourd'hui, j'observe que Nicolas Sarkozy la reprend, tant mieux, et découvre il y a dix jours que certaines grandes multinationales échappent en toute légalité à l'impôt sur les bénéfices. On ne peut se satisfaire d'une telle candeur sur des sujets aussi graves. Il faut multiplier les instruments de financement innovants. Et, enfin, taxer plus ce que l'on veut le moins et taxer moins ce que l'on veut le plus. Il faut déplacer sur cinq ans la majorité des prélèvements qui portent sur le travail vers les prélèvements sur les ressources naturelles, l'énergie et les impacts environnementaux. L'ensemble de ces mesures doit constituer le socle du nouveau projet européen.

François Hollande parle très peu d'écologie.

Celui qui veut être élu aujourd'hui n'a pas forcément intérêt à mettre la question écologique sur la table. Je peux le comprendre. Mais il ne doit pas se faire d'illusions. Une fois élu, le futur président y sera tout de suite confronté. Je remets la campagne électorale à son niveau : c'est une campagne de communication. Mais le réveil risque d'être douloureux. La crise énergétique et alimentaire touche d'abord les plus défavorisés. On n'y échappera pas.

En avez-vous fini avec la politique ?

Non. Je vais continuer en faisant des propositions qu'un candidat à la présidentielle ne pourrait pas porter. Je ne suis pas revenu à la tête de ma fondation pour l'abandonner dans huit jours. Je ne prendrai pas parti, mais cela me permet de dialoguer avec tous les acteurs. Etre candidat à la présidentielle n'était pas pour moi une fin, mais un moyen. L'expérience n'a pas abouti. Je n'en tire aucune aigreur, mais des conclusions : je suis plus utile là où je suis désormais. Je veux utiliser le lien de confiance que j'ai tissé avec les Français et qui, j'espère, n'a pas été rompu par mon engagement.
Propos recueillis par Joël Cossardeaux et Stéphane Dupont
http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/interview/0201951504362-nicolas-hulot-l-ecologie-est-redevenue-une-variable-d-ajustement-302678.php