Rapport Besson sur
l’énergie en 2050 : le déni de réalité continue. Deux
misérables petites phrases sur le pétrole, et c'est tout : «
Le problème de notre balance commerciale (...) justifie que l'on
porte une attention particulière (...) aux énergies dont la
production comporte une valeur ajoutée nationale importante,
(...) notamment, (...) faut-il le dire, les hydrocarbures
conventionnels ou non, dont les réserves, si elles étaient prouvées
et exploitables avec un total respect de l’environnement,
apporteraient un soulagement significatif au déséquilibre des
comptes extérieurs. »
Les auteurs du rapport, Claude Mandil
et Jacques Percebois, estiment que les réserves sont «
abondantes », mais que leur accès est « de plus
en plus difficile » : très bien, cela va-t-il
s'aggraver, et jusqu'à quel point ? « La contrainte
climatique devrait par ailleurs apparaître plus tôt que la
contrainte géologique » ? C'est-à-dire ? Peut-on
avoir quelque détail sur cette assertion étrange, portant sur un
enjeu séculaire central ? Bien sûr que non. Ah si, pardon ! Un peu
plus loin figure tout de même une précision : les auteurs du
rapport, citant la compagnie BP, indiquent : « Les réserves
prouvées de pétrole s’établissent à fin 2010 à plus de 40 ans
de production actuelle, et ce ratio est assez stable depuis plus de
20 ans. » L'analyse s'arrêtant là, il faut supposer que
le fait que le ratio entre réserves et production de brut ait été
stable depuis vingt ans implique nécessairement qu'il le restera
encore pour les vingt siècles suivants...
Comment un rapport
de deux cents pages, intitulé « énergies
2050 » et portant le sceau de la
République française, peut-il évacuer aussi lestement la question
cruciale de l'avenir de la production pétrolière mondiale ?
Lacunaire pensée magique. Depuis le début des années 80,
l'humanité consomme chaque année plus de pétrole qu'elle n'en
découvre, et le fossé ne cesse se creuser. Mais rien de tout ça ne
semble bouleverser les auteurs d'un rapport censé éclairer la
nation sur les périls réels. Il est vrai que Claude
Mandil, 70 ans, membre du conseil d'administration du
groupe Total, n'a jamais cru au pic
pétrolier ; en tout cas, cet ancien
directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) élude la
question avec constance. Si la République française s'enfonce dans
le déni, elle n'y est certes pas seule. En 2010, l'hebdomadaire The
Observer racontait comment
les hauts fonctionnaires britanniques se montrent en interne très
inquiets de la déplétion des réserves de brut, tout en refusant de
crier publiquement au loup.
