Sortons du silence. En période électorale, rien n'était audible. Maintenant commencent les choses sérieuses. Il est plus que temps de briser les mythes faussement écologistes qu'on veut nous vendre... en même temps que la croissance ! L'économie verte est une économie capitaliste à dénoncer. L'analyse de Gustave Massiah, ci-après, en fait la démonstration.
Gustave
Massiah
Représentant
du CRID au
Conseil International du Forum Social Mondial (FSM)
Membre du
Conseil
Scientifique d’Attac
Rio+20 verra la
confrontation entre les trois sorties possibles de la crise
structurelle ;
entre trois visions du monde.
Le document de travail
préparé par les Nations Unies et les Etats, est centré sur une
vision de
l’ « économie verte » que les mouvements contestent totalement.
Dans cette vision, la sortie de la crise passe par
l’élargissement du marché
mondial, par le « marché illimité » nécessaire à la croissance.
Elle
propose d’élargir le marché mondial, qualifié de marché vert,
par la
financiarisation de la Nature, la marchandisation du vivant et
la
généralisation des privatisations. Cette démarche est entamée à
l’inverse de
toute démarche de régulation publique et citoyenne. C’est une
extension de la
logique néolibérale, celle d’un capitalisme dérégulé qui conduit
à la
catastrophe.
Dans cette logique, il
s’agit de s’opposer à l’idée que l’accès aux droits est acquis
par la gratuité.
La Nature produit des services (elle capte le carbone, elle
purifie l’eau,
etc.) L’affirmation est que ces services sont dégradés
parcequ’ils sont gratuits.
Pour les améliorer, il faut leur donner un prix, un prix défini
par le marché.
Il faut les marchandiser et introduire de la propriété. Il
s’agit de
remplacer le droit de
propriété
humaine sur la Nature par une propriété privée qui permettrait
une bonne
gestion de la Nature. Il faut laisser cette gestion de la Nature
aux grandes
entreprises multinationales, financiarisées, qui sauront la
gérer et pallier à
ses insuffisances. Une nouvelle offensive est menée dans la
préparation pour
éliminer, dans le document, toute référence aux droits
fondamentaux qui
pourrait affaiblir la prééminence des marchés.
La deuxième conception est
celle du Green New Deal, défendue par Joseph Stiglitz et Paul
Krugman. C’est un
réaménagement en profondeur du capitalisme qui inclut une
régulation publique
et une redistribution des revenus. Elle est peu audible car elle
implique un
affrontement avec la logique dominante, celle du marché mondial
des capitaux,
qui refuse les références keynésiennes et qui n’est pas prêt à
accepter qu’une
quelconque inflation vienne diminuer la revalorisation des
profits. La
situation nous rappelle que le New Deal adopté en 1933 n’a été
appliqué avec
succès qu’en 1945, après la deuxième guerre mondiale
La troisième conception
est celle des mouvements sociaux et citoyens ; elle a été
explicitée dans
le processus des FSM. Les mouvements sociaux ne sont pas
indifférents aux
améliorations en termes d’emploi et de pouvoir d’achat que
pourrait apporter le
Green New Deal. Mais ils constatent l’impossibilité de les
concrétiser dans les
rapports de forces actuels. Ils considèrent que la croissance
productiviste
correspondant à un capitalisme, même régulé, n’échappe pas aux
limites de
l’écosystème planétaire et n’est pas viable.
Ils préconisent une
rupture, celle de la transition sociale, écologique et
démocratique. Ils
mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières
de produire et
de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes
de
propriété, le contrôle de la finance, le "buen-vivir" et la
prospérité sans
croissance, la réinvention de la démocratie, les responsabilités
communes et
différenciées, les services publics fondés sur les droits. Il
s’agit de fonder
l’organisation des sociétés et du monde sur l’accès aux droits
pour tous. Cette
rupture est engagée dès aujourd’hui à travers les luttes, car la
créativité
naît des résistances, et des pratiques concrètes d’émancipation
qui, du niveau
local au niveau global, préfigurent les alternatives.