samedi 16 juin 2012

Rio + 20 : prendre conscience des enjeux vitaux

Sortons du silence. En période électorale, rien n'était audible. Maintenant commencent les choses sérieuses. Il est plus que temps de briser les mythes faussement écologistes qu'on veut nous vendre... en même temps que la croissance ! L'économie verte est une économie capitaliste à dénoncer. L'analyse de Gustave Massiah, ci-après, en fait la démonstration.


Gustave Massiah
Représentant du CRID au Conseil International du Forum Social Mondial (FSM)
Membre du Conseil Scientifique d’Attac

Rio+20 verra la confrontation entre les trois sorties possibles de la crise structurelle ; entre trois visions du monde.

Le document de travail préparé par les Nations Unies et les Etats, est centré sur une vision de l’ « économie verte » que les mouvements contestent totalement. Dans cette vision, la sortie de la crise passe par l’élargissement du marché mondial, par le « marché illimité » nécessaire à la croissance. Elle propose d’élargir le marché mondial, qualifié de marché vert, par la financiarisation de la Nature, la marchandisation du vivant et la généralisation des privatisations. Cette démarche est entamée à l’inverse de toute démarche de régulation publique et citoyenne. C’est une extension de la logique néolibérale, celle d’un capitalisme dérégulé qui conduit à la catastrophe.


Dans cette logique, il s’agit de s’opposer à l’idée que l’accès aux droits est acquis par la gratuité. La Nature produit des services (elle capte le carbone, elle purifie l’eau, etc.) L’affirmation est que ces services sont dégradés parcequ’ils sont gratuits. Pour les améliorer, il faut leur donner un prix, un prix défini par le marché. Il faut les marchandiser et introduire de la propriété. Il s’agit de remplacer  le droit de propriété humaine sur la Nature par une propriété privée qui permettrait une bonne gestion de la Nature. Il faut laisser cette gestion de la Nature aux grandes entreprises multinationales, financiarisées, qui sauront la gérer et pallier à ses insuffisances. Une nouvelle offensive est menée dans la préparation pour éliminer, dans le document, toute référence aux droits fondamentaux qui pourrait affaiblir la prééminence des marchés.

La deuxième conception est celle du Green New Deal, défendue par Joseph Stiglitz et Paul Krugman. C’est un réaménagement en profondeur du capitalisme qui inclut une régulation publique et une redistribution des revenus. Elle est peu audible car elle implique un affrontement avec la logique dominante, celle du marché mondial des capitaux, qui refuse les références keynésiennes et qui n’est pas prêt à accepter qu’une quelconque inflation vienne diminuer la revalorisation des profits. La situation nous rappelle que le New Deal adopté en 1933 n’a été appliqué avec succès qu’en 1945, après la deuxième guerre mondiale
 
La troisième conception est celle des mouvements sociaux et citoyens ; elle a été explicitée dans le processus des FSM. Les mouvements sociaux ne sont pas indifférents aux améliorations en termes d’emploi et de pouvoir d’achat que pourrait apporter le Green New Deal. Mais ils constatent l’impossibilité de les concrétiser dans les rapports de forces actuels. Ils considèrent que la croissance productiviste correspondant à un capitalisme, même régulé, n’échappe pas aux limites de l’écosystème planétaire et n’est pas viable.

Ils préconisent une rupture, celle de la transition sociale, écologique et démocratique. Ils mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières de produire et de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes de propriété, le contrôle de la finance, le "buen-vivir" et la prospérité sans croissance, la réinvention de la démocratie, les responsabilités communes et différenciées, les services publics fondés sur les droits. Il s’agit de fonder l’organisation des sociétés et du monde sur l’accès aux droits pour tous. Cette rupture est engagée dès aujourd’hui à travers les luttes, car la créativité naît des résistances, et des pratiques concrètes d’émancipation qui, du niveau local au niveau global, préfigurent les alternatives.