Qu'on ait eu, ou pas, de la sympathie pour Nicolas Hulot, la question n'est plus là ! Il n'est pas candidat, mais il a quelque chose à dire. Ce qu'il dit et va dire peut-il peser ? Je veux le croire !
Nicolas Hulot : « L'écologie est redevenue une variable d'ajustement »
Pourquoi l'écologie est-elle si peu présente dans la campagne ?
Je
constate avec chagrin et consternation que, cinq ans après l'avoir
signé, les hommes et les appareils politiques n'ont pas travaillé sur le
Pacte écologique. Le niveau d'indigence de leur diagnostic et de leurs
propositions est à peu près le même qu'en 2007. L'écologie ne fait même
plus partie de leur sémantique. C'est redevenu une variable
d'ajustement, alors que nous sommes en pleine crise économique,
écologique et de civilisation. Il y a une orthodoxie presque crasse à
vouloir rester à la fois sur les mêmes perspectives économiques et à
garder notre modèle de société, qui pourtant ne fonctionne plus.
Vous oubliez le Grenelle de l'environnement.
Je
ne dis pas qu'il ne s'est rien passé depuis 2007. Et n'en déplaise à
certains, on ne peut pas considérer que le Grenelle soit une coquille
vide et n'ait eu aucun impact. Dans le bâtiment, notamment, nous avons
gagné avec l'instauration de normes structurantes dans le neuf. Mais le
Grenelle n'était qu'une première étape. Aujourd'hui, l'actuelle majorité
considère avoir rempli son devoir et s'estime mal payée en retour.
D'où, chez elle, cette sorte d'exaspération sur l'environnement qui
s'exprime régulièrement. A gauche, le sujet est traité à la marge alors
que tous les signaux sont au rouge. On ne parle plus de la crise
climatique. A croire qu'elle a été réglée ! Pourtant, chacun peut
comprendre que diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre,
comme nous nous y sommes engagés dans le cadre du protocole de Kyoto,
ne pourra pas se faire par des simples aménagements.
La crise ne joue-t-elle pas contre l'écologie ?
De
la part du citoyen, le désintérêt pour l'écologie peut tout à fait se
comprendre. Comment peut-on vous en faire le procès quand vous êtes à
20 ou 10 euros près par mois et quand vous manquez de visibilité sur
l'avenir de vos enfants ? Par contre, il est de la responsabilité des
hommes politiques, je dirais même de leur dignité, de ne pas se limiter à
un catalogue de mesures à court terme cantonnées aux préoccupations
quotidiennes. Cette campagne participe à une sorte de mystification
générale. On se limite à déplacer les curseurs : ici un peu plus de TVA,
là un peu plus de taxation des plus riches. C'est sympathique, mais
c'est plus symbolique qu'efficace, surtout sans vision d'ensemble. La
question clef est occultée : comment va-t-on faire avec un budget plombé
par la dette et qui ne laisse plus aucune marge aux États ?
Que proposez-vous ?
Il
faut transgresser les dogmes. Nous proposons d'abord que les banques
centrales, à travers des banques d'investissement comme la BEI,
financent la transition écologique, énergétique et sociale. Au niveau de
la France, nous avons évalué à 60 milliards d'euros par an l'effort à
réaliser dans les transports, le logement, l'agriculture, la
biodiversité. L'austérité n'est pas la réponse à la crise écologique.
Ensuite, il faut aussi aller chercher l'argent là où il est. L'idée
d'une taxation sur les transactions financières, que j'ai portée auprès
du président Chirac, m'a fait passer à l'époque pour un altermondialiste
de salon. Aujourd'hui, j'observe que Nicolas Sarkozy la reprend, tant
mieux, et découvre il y a dix jours que certaines grandes
multinationales échappent en toute légalité à l'impôt sur les bénéfices.
On ne peut se satisfaire d'une telle candeur sur des sujets aussi
graves. Il faut multiplier les instruments de financement innovants. Et,
enfin, taxer plus ce que l'on veut le moins et taxer moins ce que l'on
veut le plus. Il faut déplacer sur cinq ans la majorité des prélèvements
qui portent sur le travail vers les prélèvements sur les ressources
naturelles, l'énergie et les impacts environnementaux. L'ensemble de ces
mesures doit constituer le socle du nouveau projet européen.
François Hollande parle très peu d'écologie.
Celui
qui veut être élu aujourd'hui n'a pas forcément intérêt à mettre la
question écologique sur la table. Je peux le comprendre. Mais il ne doit
pas se faire d'illusions. Une fois élu, le futur président y sera tout
de suite confronté. Je remets la campagne électorale à son niveau :
c'est une campagne de communication. Mais le réveil risque d'être
douloureux. La crise énergétique et alimentaire touche d'abord les plus
défavorisés. On n'y échappera pas.
En avez-vous fini avec la politique ?
Non.
Je vais continuer en faisant des propositions qu'un candidat à la
présidentielle ne pourrait pas porter. Je ne suis pas revenu à la tête
de ma fondation pour l'abandonner dans huit jours. Je ne prendrai pas
parti, mais cela me permet de dialoguer avec tous les acteurs. Etre
candidat à la présidentielle n'était pas pour moi une fin, mais un
moyen. L'expérience n'a pas abouti. Je n'en tire aucune aigreur, mais
des conclusions : je suis plus utile là où je suis désormais. Je veux
utiliser le lien de confiance que j'ai tissé avec les Français et qui,
j'espère, n'a pas été rompu par mon engagement.