samedi 12 décembre 2009

Les questions qui dérangent.

Vittorio Hösle, docteur de l'université de Tübingen

La thèse selon laquelle le XXIe siècle sera le siècle de l’écologie peut être accréditée, notamment parce que les hommes n’ont pas entrepris grand-chose, ces vingt dernières années, pour tenter de résoudre la question environnementale. Comme Hans Jonas l’avait pressenti, il est naïf d’espérer pourvoir résoudre le problème simplement au moyen de techniques environnementales. Ce serait aussi un leurre d’espérer résoudre la crise écologique au travers de simples mesures économico-politiques. C’est d’une modification de notre rapport à la nature, mais aussi d’une révision de nos valeurs dont nous avons besoin. Le vœu majeur de notre temps me semble adéquatement formulé dans l’aspiration à une philosophie de la nature qui cherche à concilier l’autonomie de la raison avec une valorisation intrinsèque de la nature. La thèse centrale de ce livre est que le niveau de vie occidental n’est pas universalisable ni, par conséquent, juste.


Questions :


- Le consensus et la force sont des facteurs de stabilité sociale inversement proportionnels : plus le consensus est large, moins la force est présente, et vice versa.

- Lorsque l’élaboration d’un nouveau consensus échoue, un changement de paradigmes conduit à une montée de violence, à une révolution, mais aussi à une contre-révolution.

- A la suite de cette tragédie que fut la guerre de Trente ans (1618-1648), on commença à comprendre que l’homogénéité confessionnelle ne constitue pas une condition indispensable au bon fonctionnement des relations sociales. L’homme semble avoir besoin de catastrophes pour apprendre.

- La nation est, au moins depuis le XIXe siècle, le nouveau paradigme. Il est cependant clair que la nation est une catégorie nécessairement anti-universaliste alors que les grandes religions sont par définition plus « universalistes ». On peut donc interpréter ce changement de paradigme comme étant une régression.

- L’économie prend la place de la nation comme celle-ci avait pris la place de la religion.

- Rien n’est plus typiquement emblématique de l’esprit de notre temps que cette fête de Noël (censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique) qui a dégénéré en un rite purement commercial qui, à la fin de l’année, mène à son paroxysme la fièvre consumériste.

- Il est manifeste que le vice majeur de l’époque moderne est de faire abstraction de la qualité tout en convertissant ce qui est qualitativement incommensurable en un équivalent quantitatif.

- Il n’est pas bien sorcier de comprendre qu’une croissance quantitative n’a pas du tout pour corrélat nécessaire un plus grand bien-être.

- Le principe du gratte-ciel et de la mégalopole reflète une double négation, verticale et horizontale, de la limite et de la mesure.

- La destruction de l’harmonie des petites villes a largement contribué à rendre l’âme de l’homme moderne inapte à ressentir l’harmonie plus vaste qui la lie au cosmos.

- L’économie ne représente pas le point d’ancrage de toute culture. Elle ne joue ce rôle prépondérant que depuis peu et elle pourrait bientôt perdre cette prérogative.

- La crise écologique annonce la relève d’un paradigme dépassé : nous sommes au seuil de cette nouveauté. Le paradigme de l’économie doit céder la place au paradigme de l’écologie.

- Efficacité et parcimonie sont des vertus traditionnelles de l’économie. Ce sont aussi en même temps des vertus écologiques.

- On peut espérer que la crise écologique soit reconnue comme l’ennemi public de l’ensemble de l’humanité, celui contre lequel elle ne pourrait mener qu’une lutte collective. Mais il ne serait pas étonnant que la question écologique ouvre la voie à de nouvelles guerres.

- On ne peut parler de droits des générations à venir qu’au sens figuré ; mais c’est bien l’humanité, l’idée de l’homme, qui a pour droit inaliénable de se réaliser également à travers les générations à venir.

- Pour les générations futures, nous avons besoin d’un équivalent dans le droit public de la figure du tuteur présente dans le droit civil.

- Les parlementaires ne défendent pas, dans un Etat de droit moderne, les intérêts de leurs électeurs ; ils défendent l’ensemble du peuple. Ceux-ci devraient prendre conscience que « l’ensemble du peuple » ne se réduit pas aux générations actuelles.

- Le droit de mettre au monde autant d’enfants qu’on le souhaite ne peut plus être reconnu là où l’universalisation de ce droit épuiserait la nature.

- On ne saurait aujourd’hui faire l’impasse sur la mise en place de mesures politiques restrictives envers ce droit. Il va de soi qu’un contrôle volontaire des naissances reste l’option à privilégier.

- Ce sera une des tâches principales de l’éthique du siècle de l’environnement que de renoncer à l’« infinitisme » de l’époque moderne et de retrouver le chemin de la mesure (et pas seulement en ce qui concerne l’évolution démographique).

- Nous devons réapprendre à voir dans la « pléonexie », dans la volonté de posséder toujours plus, un trait de caractère qui témoigne de la bassesse d’un individu. Nous devons réapprendre à dire : Ca suffit » ; nous devons réapprendre à aimer les limites.

- Celui qui veut améliorer le monde doit commencer par s’amender lui-même.

- La condition de notre propre liberté réside dans un certain degré d’ascétisme : celui qui a besoin de beaucoup de choses pour se sentir bien physiquement, voire pour conserver la reconnaissance de ses pairs, celui-là n’est pas un homme libre.

- Tout changement de paradigme moral implique nécessairement que ceux qui défendent de nouvelles valeurs se heurtent à toutes sortes de réactions hostiles. Personne, en effet, ne voit d’un bon œil qu’on lui ôte le fondement de son amour-propre.

- Doit-on admettre des actes qui, pour contribuer à la sauvegarde de l’environnement, endommagent des biens ? En un mot : les activités de Greenpeace ne sont-elles pas non seulement morales mais aussi légales ?


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