mercredi 2 décembre 2009

Un procès exceptionnel et révélateur

Les faucheurs en appel, à Versailles!

Compte rendu de Franciska Soler :

Nous avons eu un beau procès à Versailles, qui a duré deux jours et demi, les mercredi 18, jeudi 19 et vendredi 20 novembre 2009. Le tribunal était présidé par une magistrate plutôt ouverte qui a permis aux deux parties de s'exprimer largement.

L'audition des prévenus a duré plus longtemps qu'à Chartres, beaucoup de questions de l'un des juges portant sur les circonstances de l'action. 55 personnes ont exprimé leurs motivations très diverses et complémentaires jusqu'en fin d'après-midi.

La Société Monsanto a produit 4 témoins : 2 agriculteurs (dont un représentant de la FNSEA, Michel Masson), une membre de la Commission de Génie Biomoléculaire au moment des faits et ex présidente du GEVES, et le responsable au ministère de la surveillance des essais.

Puis les témoins des faucheurs ont été entendus (les ministres, Borloo, NKM et Bussereau, que nous avions cités ne sont pas venus, ni le responsable du Service Régional de la Protection des Végétaux). Les scientifiques, P-H Gouyon, G-E Seralini et Christian Vélot, ont présenté la dissémination inévitable des OGM, entrainant la réduction de la biodiversité et la menace pour les cultures traditionnelles, l'absence de débat (en 2007) et surtout la carence d'évaluation des OGM aux plans sanitaire et environnemental, dénonçant le principe d'équivalence en substance. Ensuite un paysan espagnol, producteur de maïs bio, contaminé, est venu témoigner. M-C Blandin, sénatrice, a résumé les travaux du Grenelle de l'environnement, évoqué l'ambiance au Parlement lors du vote de la loi en 2008, et défendu les lanceurs d'alerte. Hélène Holder, des Amis de la Terre, a fait le point sur la situation des OGM en Europe. Puis Aurélie Trouvé, agronome et co présidente d'Attac, est venue défendre la souveraineté et la sécurité alimentaires. Guillaume Gamblin, du Mouvement Alternatif Non-violent a présenté la désobéissance civile. Et, pour conclure, Mathieu Bonduelle, du Syndicat de la Magistrature, est venu légitimer notre refus de prélèvement d'ADN (concernant 24 prévenus).



L'audience du dernier jour a commencé vers 14 h par une demande d'irrecevabilité déposée par un de nos avocats, pour absence de document de la décision de l'organe délibérant de la Société Monsanto, suite à quoi l'avocate de la partie civile a remis un exemplaire des statuts. Elle a ensuite plaidé en présentant l'essai comme totalement conforme, et sollicité la réparation des préjudices moral et matériel.

Dans son réquisitoire, le procureur a rejeté l'état de nécessité, arguant de l'absence de preuve de danger, de la possibilité d'actions judiciaires, etc., et requis trois mois d'emprisonnement avec sursis + 1000€ d'amende et, pour les 4 récidivistes, 100 jour-amende à 30 €, enfin, pour le refus de prélèvement d'ADN, 300 € d'amende.

Notre avocat J-P Susini a plaidé que le prélèvement d'ADN était attentatoire au droit du militantisme. Ensuite Nicolas Gallon a dénoncé un procès anachronique car les faucheurs ont eu raison trop tôt. Depuis, il y a eu consensus sur la dissémination lors du Grenelle, puis le moratoire sur le Mon 810, enfin la décision de remettre à plat les procédures d'évaluation scientifiques au niveau de l'UE... Quant au maïs expérimenté, il y a toujours incertitude sur son identité : NK 603 x Mon 810 comme présenté en première instance (le Conseil d'Etat a annulé un essai analogue sur la commune de Bourgoin-Jallieu en 2009 !) ou bien NK 603 x Mon 810 et Mon 89034, comme affirmé en appel à Versailles ? Quelle est la bonne version ? Aucun prélèvement pour analyse du maïs concerné n'a été faite ! En première instance, la demande de dommages et intérêts était de 300 000 €; en appel elle atteint 1 300 000 € ! Quant au Mon 89034, l'AFSSA ne l'a pas autorisé par deux fois à cause de lésions rénales constatées chez les rats, disant qu' "il conviendrait de poursuivre les investigations". N. Gallon a demandé le rejet de la demande de Monsanto : "en matière d'urbanisme, n'est pas un préjudice réparable la destruction d'un immeuble dont l'autorisation n'était pas valide", et la reconnaissance de l'état de nécessité.

D. Liger, notre troisième avocat a complété quelques points et cité M. Luther-King et Gandhi. Bref, un procès passionnant dont le délibéré sera rendu le vendredi 22 janvier 2010 à 14 h. L'association Yvelines-sans-ogm avait remarquablement organisé les animations autour du tribunal : films, conférences, débats, ateliers, restauration et même un concert final. Le mercredi midi, une marche a rassemblé 150 à 200 personnes (en plus de tous ceux qui se trouvaient dans le tribunal).



Voir leur site internet : http://www.flickr.com/photos/yvelinessansogm/

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