vendredi 20 août 2010

Ils trahissent l'écologie comme les socialistes ont trahi le socialisme

Les écologistes sont une aberration

... estime Fabrice Nicolino. Je ne suis pas loin de penser de même. Ils trahissent l'écologie comme les socialistes ont trahi le socialisme. Il y a des exceptions, certes. Mais sur le fond, ils confondent le pouvoir et la possibilité d'action, et cela les conduit à l'électoralisme, d'abord. Au risque de tuer l'écologie. Je reviens de Nantes et fais la même lecture des comportements que Fabrice Nicolono. Lisons-le.

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Je me vois comme une aberration, et je pense, et j’espère même que nombre d’entre vous ressentent la même chose. Je n’écris pas cela pour le (douteux) plaisir de me pousser du col, histoire de me distinguer par le paradoxe, sous les applaudissements. Non, je jure solennellement que je le crois. Une aberration.

Les hommes normaux, quelle que soit leur couleur politique, jouent le rôle que la vie leur a octroyé. Les écologistes, non. Je précise que je ne place pas dans cette dernière catégorie ceux d’Europe-Écologie ni bien entendu, malgré quelques exceptions, les Verts. Non pas. Pour d’innombrables raisons que je ne peux ni ne souhaite d’ailleurs expliciter, ce courant politique n’a rien d’écologiste. Post-soixantuitard - très tard -, individualiste, hédoniste, « environnementaliste » peut-être, mais écologiste, sûrement pas. Voyez plutôt la plaisante et désespérante pantomime jouée au cours des Journées d’été des Verts, à Nantes. Ces mensonges, ces trucages, ces traquenards, ces scènes mille fois jouées et rejouées depuis la création du mouvement, en 1984.

Dans ce conglomérat, je connais certains de près, j’ai même de vieux amis, mais considéré globalement, il n’est qu’une queue de comète dérisoire de mouvements nés il y a quarante ans. Au reste, la plupart de ces gens, Cohn-Bendit en tête, sont des papys et des mamies. Ne rêvons pas : ils incarnent la critique modérée d’un monde extrémiste, qui menace tout, et finira par emporter ce qui tient encore debout. Non, je vous en prie, ne nous trompons pas. Les écologistes sont ceux qui entendent soumettre la politique d’aujourd’hui aux vastes impératifs de demain. Ils prétendent s’occuper du tout qu’est la vie, faite de toutes les vies de tous les êtres vivant sur terre, et la sauver. Ce projet délirant ne peut que s’opposer aux misérables combinazioni qui font le quotidien des réalistes.

S’il est à ce point délirant, c’est que les humains ne sont pas programmés pour cela. Quand j’écris programmé, je ne sais pas ce que je veux dire. S’agit-il de génétique, de culture, plus probablement d’un mélange aléatoire des deux ? Il est en tout cas manifeste que l’action humaine se porte sur l’immédiat. Le jour même, souvent, et l’on comprend cela sans peine chez eux qui ont « le pain quotidien relativement hebdomadaire ». Même chez ceux qui mangent, même chez ceux qui consomment comme et quand on leur dit de faire, l’horizon ne dépasse pas, dans le meilleur des cas, celui des enfants de la famille. Encore entend-on rituellement, chez la plupart, cette phrase sacramentelle : « Ils se démerderont, comme on a fait ». Où l’on voit bien que l’aveuglement ne saurait être plus total. Car ces excellentes personnes, que nous connaissons tous, ne voient pas que, précisément, on ne pourra pas se démerder. Pour la raison bien simple qu’un tsunami aura entre-temps emporté la plupart des esquifs disponibles.

Que se passe-t-il ? Exactement les mêmes phénomènes qu’à toutes les périodes de l’histoire connue des hommes. On s’intéresse à son sort, on joue des coudes pour obtenir un peu plus d’air, de bouffe et de confort, et l’on imagine ce que l’on est capable d’imaginer, c’est-à-dire la répétition du même. Or la crise écologique, par un extraordinaire coup du sort, n’est pas une répétition. C’est une radicale nouveauté. S’y adapter nécessiterait de rompre mentalement avec des millénaires de tradition humaine. Peut-être bien davantage. Au cours de ce si long passé, il s’agissait pour l’essentiel de s’emparer de ce qui pouvait se présenter. Comme nous n’étions jamais sûrs que la chance passerait une seconde fois, nous engloutissions au plus vite, en se cachant éventuellement, ce que nous trouvions sur le chemin. Toujours ça de pris !

Rien n’a changé, sauf que plus rien n’est pareil. Il faudrait apprendre en quelques années ce que des dizaines de siècles nous ont appris à dédaigner. Le temps long. La coopération définitive. La paix. Les liens cachés entre toutes les créatures et tous les êtres. La supériorité ontologique de la vie sur la mort. On n’y est pas. Je vois bien que mes contemporains n’entendent pas faire passer le sort des chauves-souris et des Mongols, des vautours et des Lapons, des ours bruns et des Bantous, des chimères et des Achuar, des licornes et des Penan, avant les élections de 2012.

J’en reviens au point de départ. Les écologistes sont une aberration culturelle et chromosomique. Ils ont donc tort, et on leur rira encore longtemps au nez. Mais l’évolution est d’un mystère insondable, et tire profit, parfois contre toute attente, d’une minuscule altération que personne n’avait jusque-là remarquée. Aussi bien, la distance entre une aberration et une altération n’est pas si grande que cela. Nous n’avons pas la moindre chance d’être entendus par ce monde imbécile et cruel. Mais il suffira d’une seconde, d’une fraction de seconde, d’un lumignon, d’un fenestron. Et tout le reste suivra. Voyez, je suis dans un jour de trêve, et de rêve.

Les principaux livres de Fabrice Nicolono.

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