dimanche 3 juillet 2011

De ce Nicolas Hulot-là, l'écologie a besoin.



Avec Hubert Reeves et Edgar Morin

Nicolas Hulot a reçu le Journal de Dimanche samedi dans sa maison de Saint-Lunaire. Le candidat à la présidentielle est heureux car on vient de lui enlever son plâtre. "Enfin une bonne nouvelle", plaisante-t-il pressé de reprendre le sport.

Avez-vous été surpris par le résultat du premier tour?
Bien sûr. Je pensais que je ne gagnerai pas au premier tour. Mais je ne pensais pas que le score serait celui-là.

Avez-vous compris?
Le premier message est assez clair mais j’attends le deuxième tour pour tout analyser. Je veux voir si c’est la fin du bizutage.

Pensez-vous gagner le second tour?
Je pense que rien n’est joué et surtout je le souhaite pour l’écologie. Au-delà d’être le candidat d’Europe Écologie-Les Verts, je veux être le candidat de l’écologie. Les Français me jugent sur vingt ans d’engagement écolo et pour eux, je ne suis pas suspect. Leur confiance existe, ils étaient prêts à aller plus loin. Vingt ans de travail, vingt ans d’engagement, ça vaut certificat et c’est dommage que les convertis ne veuillent pas le voir. Et c’est dommage de ne pouvoir transformer cette confiance en adhésion. Mes états d’âme n’ont aucune importance mais mes ambitions écologistes restent très grandes.

Avez-vous commis des erreurs?
Non et si c’était le cas, je le dirais. Je n’ai aucun regret. Mon équipe et moi n’avons cédé à aucune facilité, ni de langage ni de méthode. Je gagnerai ou je perdrai avec dignité. On ne peut pas forcer les gens, on peut forcer le destin. La seule chose que je n’ai pas dite assez fortement, car il n’est pas dans ma nature de mettre mes trophées en avant, est que je suis écologiste depuis vingt ans. J’ai été un efficace brise-glace dans la société. L’espace que j’ai ouvert a profité à EELV. L’écologie est devenue un enjeu central et j’y ai une bonne part de responsabilité. J’ai eu des succès, comme l’entrée du principe de précaution dans la Constitution. Le pacte écologique a permis le Grenelle de l’environnement et la prise de conscience de la société. Cela a propulsé l’émergence d’EELV à laquelle ont contribué mes amis Pascal Durand et Jean-Paul Besset. Tout cela procède d’une même dynamique que je crois avoir initiée. Je dois le rappeler au moins une fois. Par moments, la modestie ne paye pas.

N’êtes-vous pas parti trop tard en campagne?
Je n’étais pas prêt avant. Et si le score est confirmé, un mois de plus n’aurait rien changé. L’histoire des Verts est faite de rebondissements, ils n’obéissent pas aux logiques habituelles. Dans cette campagne, j’ai montré que je savais traverser des épreuves, que je savais aussi peser mes mots et mes réactions. Quand surviennent des affaires comme celle de DSK, je ne cède pas à la réactivité ambiante. Je ne juge qu’aux regards des faits et en l’occurrence, encore aujourd’hui je ne les connais pas. Mais il y a un fait dont on est sûr, c’est la réaction de Bernard Debré et je l’ai trouvée ignoble. Il y a des moments où le silence est d’or. Dans un registre identique d’autres ont assimilé Jacques Chirac à Pinochet, ces formules juste pour plaire aux militants ne seront jamais dans mon arsenal.

Regrettez-vous d’avoir évoqué le tandem que vous aviez envisagé avec Jean-Louis Borloo?
J’aurais juste préféré dire cette phrase deux jours plus tard pour ne pas gêner Cécile Duflot au moment du congrès. J’assume ce que j’ai dit, pas l’interprétation qui en a été faite pendant que je dormais. Ce dialogue, je l’ai eu. Et j’assume de souhaiter la bienvenue à celles et ceux qui demain partageront nos valeurs et nos objectifs. EELV n’est pas un club privé. Je veux être le candidat des écologistes et de tous ceux qui sont prêts à remettre en cause le libéralisme et le productivisme, qui sont la cause des crises que l’on traverse. Je veux porter l’écologie au pouvoir et pour ça, soit on se flatte entre convertis, soit on s’ouvre aux autres.

N’êtes-vous pas trop "gentil" pour faire de la politique?
Je ne sais pas faire autrement avec des gens avec lesquels je partage un combat. Je ne vais pas me renier, l’agressivité en politique n’est pas la meilleure manière de convaincre. Peut-être que ça fonctionne dans certains cercles, mais je ne suis pas comme ça. Si je ne suis pas choisi, je continuerai d’être écologiste. Ce chemin-là, je l’emprunterai ad vitam æternam.

Avec Stéphane Hessel

Avez-vous été victime d’un délit de sale gueule?
Je ne découvre pas la nature humaine, mais j’observe avec un certain étonnement une forme de perversité de ceux qui me pressaient d’y aller et qui n’ont eu de cesse après de me brocarder. Ça m’attriste, ça m’étonne, mais je ne somatise pas.

Avez-vous vraiment voulu tout arrêter au soir du premier tour?
Non, j’ai écouté et autour de moi, certains étaient accablés. Mais j’ai pensé que tout n’était pas perdu. Et dans un scrutin à deux tours, on va jusqu’au bout par respect pour les électeurs et les électrices. J’encaisse les choses, mais je rebondis très vite. Je ne joue pas ma vie ou une carrière personnelle. Il n’y aura pas de blessure narcissique, mais une tristesse car on va peut-être manquer l'Histoire..

Vous ne jouez pas votre carrière mais vous avez fait des sacrifices pour vous lancer en politique, vous avez arrêté Ushuaïa, quitté votre fondation?
Oui, j’ai sacrifié tout ce que j’avais, j’ai clarifié la situation à tout point de vue. Mais ma vie et mon engagement ne s’arrêtent pas là.

Mais il y a des codes en politique…
Certains arrivés récemment en politique les ont épousés très vite. Je ne veux pas souscrire à certaines modalités. La fin ne justifie pas tous les moyens.

Que pouvez-vous faire pour inverser la tendance et gagner la primaire?
Parler comme je le fais avec vous, demander à chacun et chacune de se projeter dans trois ou quatre mois. Bien rappeler que mon idée n’est pas de me dissoudre dans le PS, mais de porter l’autonomie de l’écologie. Et si le choix se confirme, les écolos resteront entre eux et cela profitera à Jean-Louis Borloo et aux socialistes, pas aux écologistes. Je veux répéter ce que j’avais dit à Lyon en novembre sans être entendu : "Il faut cesser de mijoter nos préjugés comme si nous avions l’éternité devant nous."

Si vous êtes désigné, quelle place aura Eva Joly?
La place dont nous conviendrons ensemble dès lors qu’on sera dans la loyauté, la confiance. Dès lors que désormais les mots auront un sens. Car les mots précèdent les actes et parfois les postures frôlent l’imposture. À Lille, le spectacle que nous avons donné fut affligeant et dévastateur pour l’écologie. Quand on a cédé à tout ça, qu’on n’est pas capable d’avoir un peu de nerfs, quand on met en avant nos divisions, ça fait 3%.

Et si Eva Joly est désignée, quelle sera votre place?
Ce qui vaut pour moi vaut pour Eva. Si elle est candidate j’aurai une discussion en tête à tête avec elle comme j’en ai eu avant de me lancer et on fera le point sur les engagements qu’on avait pris. En même temps, je peux bien comprendre qu’Eva n’ait pas envie d’avoir à ses côtés un ex-animateur de télé et un représentant des multinationales.

Vous arrêterez la politique?
Je ne ferai rien qui contrarie les écologistes, je ne rejoindrai pas un autre candidat et je ne me présenterai pas seul. J’ai une parole et je m’y tiens.

http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Nicolas-Hulot-EELV-n-est-pas-un-club-prive-interview-352339/

Avec Pierre Rhabi

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