Nous empruntons à Benoist Magnat, écologiste, poète et humoriste, son analyse truffée de sources informatives : oui, à Fukushima le danger s'accroît et pas seulement pour les Japonais !
Il
fallait s’y attendre, à force de verser de l’eau sur les réacteurs détruits,
et à force de remplir toujours plus de réservoirs, l’eau, considérablement
radioactive, fuit en quantité vers l’océan. Ceux qui, pour nous rassurer,
évoquent la dilution dans l'immensité du Pacifique, oublient une donnée essentielle, : la chaîne alimentaire
va se trouver affectée.
La fable
de l’arrêt à froid, décrété en décembre 2011 a de
toute évidence fait long feu, et Tepco avoue,
maintenant, que, depuis mai 2011, 300
tonnes d’eau très radioactive se déversent chaque jour dans
l’océan.
En
4 petites minutes, ce dessin
animé simple et pédagogique avait déjà compris dès le 18 mars
2011 le problème insoluble qui allait se poser à
Fukushima, depuis la catastrophe du 11 mars
2011 et, dès le 17 mars 2011, Roger
Nymo, l’un des nombreux lanceurs d’alerte concernant ce sujet,
évoquait un pire qui serait à venir. lien
Le
pire ? Nous y voila maintenant, et le 6 août
2013, Shinji Kingo, responsable de la
NRA (autorité de régulation nucléaire japonaise) a
décrété une situation d’urgence.
Cette
eau déversée dans le Pacifique est chargées de
20 et 40 milliards de becquerels (de tritium, de
strontium, de césium et d’autres éléments radioactifs), soit plusieurs
dizaines de milliers de fois la dose limite admise pour l’eau de mer. lien. Cette carte montre de quelle manière ces fuites se
produisent.
Tepco assure qu’il va colmater les fuites en
injectant dans le sol un produit chimique afin de le rendre étanche, solution
qui,d’après le quotidien japonais Asahi, ne serait pas du tout
efficace au niveau des nappes phréatiques. lien
Arnold
Gundersen, scientifique reconnu
par ses pairs comme expert en matière nucléaire, est convaincu qu’il n’y a
aucun moyen d’empêcher cette eau de rejoindre l’océan, et que cela durera
pendant au moins 20 à 30 ans.
lien
Laure Hameaux, porte parole du réseau
« Sortir du Nucléaire » est claire :
« pour nous ce n’est pas une
surprise. Nous travaillons avec des experts indépendants depuis le début de la
catastrophe. Il ne pouvait pas en être autrement, l’accident de Fukushima ne
pouvait qu’empirer. Il ne pouvait pas être réglé en quelques
semaines », et elle ajoute :
« les océans vont être
contaminés, et par conséquence toute la chaîne alimentaire de ce millier
aquatique », en concluant au sujet de la solution
envisagée par Tepco concernant les nappes
phréatiques : « on va
pouvoir pomper une partie de l’eau, mais la radioactivité va rester. On ne
peut pas la faire disparaitre. Il n’y a pas de solution (…) les ennuis ne font
que commencer ». lien
Dès le mois d’octobre 2012 Ken Buesseler, chimiste à
l’institut océanographique de Wood Hole,
s’interrogeait sur les raisons de l’importante radioactivité trouvée sur les
poissons péchés au large de Fukushima, supposant déjà
des fuites provenant de la centrale. lien
La
situation s’aggrave donc à Fukushima, d’autant que les
3000 techniciens et ouvriers qui tentent de préparer
le démantèlement de la centrale dévastée sont en permanence confrontés à de
nombreuses avaries dans des lieux rendus inaccessibles, compte tenu du niveau
élevé de radioactivité. lien
Un autre
veilleur de Fukushima, Etienne Servant, dans
un communiqué récent
rappelle que cette pollution de l’océan n’est pas une nouveauté, et qu’elle
est effective depuis le premier jour de la
catastrophe. Le mur
en béton que Tepco avait construit pour empêcher ces
fuites vers l’Océan a finalement provoqué une accumulation de l’eau
contaminée, et un débordement fatal dans la mer.
Dénonçant
le silence consternant et complice de la plupart des médias,
Servant a décidé de s’embarquer dès le 3
mai 2014 dans un voilier et de rejoindre le
Japon en passant par le détroit de
Bering et la mer de Chine avec comme but
de faire des mesures de la contamination tout au long de son voyage. lien
En
effet, c’est maintenant sur l’autre rive du Pacifique
que l’inquiétude s’installe, car Joseph J.Mangano
et Janette Sherman, chercheurs notoires, ont constaté,
dans un rapport récent, d’une part un niveau élevé de radioactivité sur la
cote Ouest des USA, et d’autre part une tendance à
l’hypothyroïdie chez les nouveaux nés américains, après la catastrophe de
Fukushima. Pour
arriver à ce constat, les chercheurs se sont basés sur des mesures relevées
dans 18 sites situés sur la cote
Ouest des Etats Unis. lien Mangano et
Sherman ont étudié l’hypothyroïdie congénitale chez
les nourrissons nés entre mars 2011 et novembre 2011,
en se basant sur des tests de dépistage néonatal. lien
Résultat :
ces cas d’hypothyroïdie congénitale sont en augmentation de
16% dans les 5 états qui
bordent le Pacifique, et dès mars
2011 des concentrations d’iode radioactif avaient été mesurées
jusqu’à 211 fois supérieures à la norme autorisée. lien
D’ailleurs,
dès le 6 avril 2013, les 2 chercheurs
américains avaient mis en garde les populations du risque que
représentait Fukushima, malgré les assurances données
par les responsables gouvernementaux américains, affirmant qu’il n’y avait
rien à craindre de la catastrophe japonaise.
Avec ce
nouvel épisode de déversement de radioactivité dans l’Océan
Pacifique, il est a craindre que la chaîne alimentaire ne soit
durablement touchée car, même s’il est vrai que cette énorme quantité de
radioactivité sera dispersée dans l’océan, il est vraisemblable que la
radioactivité va bientôt se trouver dans nos plats quotidiens, et qu’il va
falloir être très attentifs à la qualité des poissons qui seront proposés aux
étalages de nos poissonniers.
En
effet, le vrai problème ne concerne
plus seulement le Japon aujourd’hui, mais une bonne
partie de la planète, car si les USA admettent
maintenant être concernés par la catastrophe japonaise, par le biais de la
chaine alimentaire, nous allons être tous plus ou moins
touchés.
On sait
que les poissons se nourrissent de plancton, les petits étant finalement
mangés par les plus gros, lesquels se retrouvent dans nos
assiettes. Or la
pollution radioactive se fixe d’abord sur les plantes, le plancton, les
algues, et elle se retrouvera finalement concentrée dans les gros
poissons. Si les
facteurs de concentration du césium sont de l’ordre de
50 pour les mollusques et les algues, ils montent à
400 pour les poissons. Comme le
césium 137 a une période (ou demi-vie) de
30 ans, l’accumulation de ce dangereux produit
radioactif va se prolonger pendant un siècle, avec les conséquences que l’on
imagine pour les poissons et les humains qui les
mangeront. Considérant
qu’il est quasi impossible de tout contrôler, quelle garantie avons-nous
aujourd’hui sur l’éventuelle nocivité des poissons que l’on nous propose à la
vente en Europe ?
D’autre
part, alors que l’on considérait jusqu’à récemment qu’il n’y avait pas
d’échange entre le Pacifique Nord et le
Pacifique Sud, on sait aujourd’hui que l’importante
barrière formée par les courants équatoriaux n’empêchent pas que des échanges
se produisent. lien. Déjà au
mois d’aout 2011, 15 thons pêchés au large de San
Diego présentaient des niveaux de césium relativement élevés. lien
Plus
tard, en juillet 2013, un bar, capturé au large du
Japon a révélé un niveau de radioactivité
10 fois supérieur à la limite autorisé, soit
1000 Bq/k, (lien) ce qui n’est rien par rapport au poisson péché en
janvier 2013 qui lui, présentait un niveau
impressionnant de radioactivité, égal à 254 000
Bq/k. lien
Au-delà de ces rejets dans l’océan et des poissons contaminés, le
problème avec les vapeurs radioactives qui s’échappent du réacteur
n° 3 perdure, et si parfois, on ne les perçoit plus, c’est
seulement du à la différence de température
extérieure. Le
matin, quand l’air est frais, les vapeurs sont visibles, et disparaissent dans
la journée, avec l’augmentation de la chaleur, mais la radioactivité continue
pourtant de s’échapper, même si elle n’est plus visible. lien
Or, ce
réacteur est le plus problématique, puisqu’il fonctionnait avec du
MOX, contenant du plutonium, et cela va faire au moins
un mois que cette vapeur s’échappe du réacteur. lien
Ajoutons
pour la bonne bouche que la piscine du réacteur n°4
contient toujours 1535 barres d’uranium, et que, si
depuis le mois de mars 2013,
Tepco a démarré la construction d’une structure
métallique destinée à les recevoir, la situation demeure préoccupante, le
moins qu’on puisse dire.
En avril 2012, Akio Matsumura,
un diplomate japonais, avait déjà expliqué en 7
minutes de quelle nature était le danger qui planait autour de
cette piscine de refroidissement. vidéo
Et
pourtant, aujourd’hui encore, il reste dans le monde de chauds partisans de
l’énergie nucléaire, convaincus qu’il n’y a pas
d’alternative...