mercredi 25 septembre 2013

Mamère devient un écologiste sans parti.



Mamère s'en va. Enfin, un élu connu met sa pensée en harmonie avec ses actes. Deux articles l'annoncent : ils méritent une lecture attentive.

"Pascal Durand n'était pas un chef, c'était un fusible"

Nouvel observateur le 23-09-2013
Annoncé sur la sellette depuis déjà plusieurs jours, le sort de Pascal Durand à la tête d'Europe Ecologie-les Verts semble scellé. Ce dimanche, le patron des écologistes aurait indiqué à plusieurs membres d’EELV, lors d’une réunion interne, qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat lors du prochain congrès du parti en novembre à Caen. Le député écologiste de Gironde, Noël Mamère, réagit. 

Pascal Durand semble renoncer à briguer un nouveau mandat de secrétaire national d'Europe Ecologie-les Verts. Paie-t-il son ultimatum lancé au gouvernement ?
- Cela me paraît assez évident. L’appareil du parti – que l’on appelle communément à l’intérieur du mouvement "la Firme" - a décidé que Pascal Durand n’était plus l’homme de la situation, après l’y avoir pourtant installé en 2012. Ceux qui décident en sous-main lui ont offert une porte de sortie, puisqu’il y a de fortes chances qu’il soit la tête de liste écologiste à Paris lors des prochaines élections européennes de 2014. En réalité, son départ n'est pas une surprise.

Faut-il y voir la main invisible de Jean-Marc Ayrault ?
- Je suis incapable de le dire. Cependant, je constate qu’il y a une certaine contradiction des dirigeants dans cette décision de ne pas renouveler leur confiance à Pascal Durand. Certains nous expliquent que s’il n’était pas monté au créneau avec son ultimatum, on n’aurait pas obtenu certaines avancées à l’issue de la seconde conférence environnementale. Pourtant, il en paie visiblement les frais.

Quel bilan tirez-vous du passage de Pascal Durand, en poste depuis juin 2012 à la tête d’EELV ?
- Son mandat a été très court. Il aura été un secrétaire national éphémère. De toute façon, il n’y a que les naïfs et les imbéciles pour ne pas comprendre que c’est Cécile Duflot qui continue d’être la patronne des Verts. Elle et ses comparses - des secrétaires nationaux par procuration - n'ont cessé de diriger le parti en sous-main.

Les écologistes n’ont-ils pas un problème culturel à se soumettre à l’autorité d’un chef ?
- Non. Il y a toujours eu des chefs au sein du parti. Ceux qui décident ne sont pas ceux que l’on croit. Pascal Durand n’était pas un chef, c’était un fusible, c’était un instrument au service d’autres personnes. Rien d’autre.

Vous avez récemment menacé de quitter Europe Ecologie–les Verts. Au lendemain de la seconde conférence environnementale, dont les avancées ont été saluées par vos collègues écologistes, où êtes-vous de votre réflexion ?
- On est face à une vaste opération d’enfumage et de trompe l’œil. On nous fait croire que l’on entre dans la transition énergétique, alors que le gouvernement maintient des niches fiscales nuisibles à l’environnement. Entre les transports, l’agriculture, la pêche et l’automobile, ces niches représentent autour de 6 milliards d’euros. C'est-à-dire, un peu plus que ce que François Hollande prétend que rapportera la future contribution climat énergie [4 milliards d'euros sont escomptés, NDLR].
C’est également un renoncement, un changement de politique qui ne dit pas son nom sur la question du nucléaire. Dans la mesure où l’on sait qu’il sera très difficile de fermer la centrale de Fessenheim en 2016, l’engagement de réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique française, d'ici 2025, risque d’être effacé par un engagement sur la non-augmentation de la production nucléaire.

A vous entendre critiquer aussi sévèrement l'action du gouvernement, il semblerait que vos jours au sein de la majorité sont comptés…
- Il y a plusieurs étapes. La première consiste à ne pas voter le budget 2014 à l’Assemblée nationale – puisque le gouvernement nous a roulés dans la farine. Dans la mesure où je ne voterai pas le texte, je n’appartiendrai donc plus à la majorité actuelle. Cependant, ce n'est pas pour autant que j'entre dans l'opposition : je resterai au sein du groupe écologiste à l’Assemblée - à moins que l’on m’en vire, ce qui m’étonnerait fort. Quand à ma présence au sein d’Europe Ecologie–les Verts, je prendrai une décision à l’issue du congrès de novembre à Caen. Si le parti continue de jouer les supplétifs du gouvernement, je rendrai ma carte. Aujourd’hui, plus les écologistes reçoivent des coups du gouvernement sur la tête, plus ils remercient et s’en réjouissent !

Propos recueillis par Guillaume Stoll, lundi 23 septembre - Le Nouvel Observateur



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Mamère : "J'ai décidé de quitter EELV car le parti est prisonnier de ses clans"

Le Monde.fr |

Il le dit lui-même : "C'est une page qui se tourne." Quinze ans après être entré chez Les Verts, le député de Gironde, Noël Mamère, a décidé de rendre sa carte. Les conditions dans lesquelles Pascal Durand, secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts, s'apprête à quitter la tête du parti auront été la goutte d'eau pour celui qui a réuni 5,25 % des voix à la présidentielle de 2002.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter Europe Ecologie-Les Verts ?
J'ai décidé de quitter EELV parce que je ne reconnais pas le parti que j'ai représenté à la présidentielle en 2002. Notre parti ne produit plus rien : il est prisonnier de ses calculs et de ses clans. Nous sommes devenus un syndicat d'élus. J'ai l'impression d'un sur-place qui nuit au rôle que nous pouvons jouer dans la société. Cela ne m'empêchera pas de conduire une liste aux municipales à Bègles, je n'ai pas besoin de l'étiquette. C'est une page qui se tourne. Je pars sans regret, sans émotion particulière. C'est le résultat d'un constat et d'une analyse.

Comment interprétez-vous la décision de Pascal Durand de ne pas se représenter à la tête d'EELV ?
Pascal Durand est une variable d'ajustement. On le nomme en 2012 parce qu'il est compatible entre Europe Ecologie et Les Verts. La preuve est faite aujourd'hui que la greffe n'a pas pris. La manière dont il a été traité est humiliante. Ça me choque et je n'aime pas ces méthodes. Pascal n'était qu'un patron par procuration.
Les vrais patrons sont ceux qu'on appelle "la firme" : Cécile Duflot et ses amis. Même si Cécile Duflot est une bonne ministre, elle n'a pas lâché la direction des Verts. Mais ces derniers ne se sont pas créés pour être soumis au bon vouloir d'un clan. C'est le contraire de ce que défendent les écologistes.

Vous souhaitez rester dans le groupe écologiste à l'Assemblée nationale. N'est-ce pas contradictoire ?
Pas du tout. Dans le groupe, il n'y a pas que des gens inscrits à EELV, comme Paul Molac qui est à Régions et peuples solidaires. A moins qu'on ne me le demande, je ne vois pas pourquoi je quitterais le groupe.

Vous aviez indiqué que si vous étiez réélu à Bègles, vous démissionneriez de votre mandat de député. C'est toujours d'actualité ?
Si je suis réélu à la mairie de Bègles, mon intention est de me mettre en accord avec ce que j'ai dit. C'est la première fois que je vois l'Assemblée nationale voter une loi qui s'appliquera trois ans plus tard. La loi sur la limitation du cumul des mandats est d'ailleurs inaboutie puisqu'aujourd'hui un maire peut beaucoup plus cumuler qu'un député-maire. Fin 2014, je ne serai plus cumulard : je me sens plus utile dans ma ville de Bègles qu'à l'Assemblée.

Vous avez annoncé que vous ne voterez pas le budget pour 2014. Cela veut dire que vous allez voter contre ou vous abstenir ?
Je voterai contre parce que je considère que le compte n'y est pas, notamment sur la transition énergétique. La conférence environnementale n'était qu'un trompe-l'œil. Le gouvernement propose une contribution climat-énergie qui réunira péniblement la somme de 4 milliards d'euros en 2016. Comment voulez-vous que les entreprises aient une perspective de mise en place de modification de leur mode de production si vous ne leur proposez pas un plan de route jusqu'au moins 2020 ?
Je ne crois pas non plus à la TVA à 5 % uniquement cantonnée à la rénovation énergétique des bâtiments alors qu'il aurait fallu qu'elle s'applique à l'ensemble du bâtiment. Aucune des niches fiscales nuisibles à l'environnement et à la santé concernant les transports, l'agriculture, le diesel, les agrocarburants ou les pesticides – pourtant d'un montant de 6 milliards d'euros–, n'ont été remises en cause. Et nos amis disent que c'est formidable ?

Pour vous, les écologistes seraient plus utiles en dehors de la majorité qu'à l'intérieur ?
Aujourd'hui, je ne vois pas très bien leur utilité dans la majorité. Les écologistes passent leur temps à accepter ce qui ne correspond pas au projet qu'ils sont censés porter. Vous trouverez toujours des arguments pour dire qu'on fait avancer les choses mais c'est à la marge.
Nous avons aussi notre part de responsabilité. Nous nous sommes arc-boutés sur le diesel. Sans doute était-ce un piège : nous n'avons pas su expliquer de manière pédagogique que ce carburant représente 32 000 morts par an et que cela coûte beaucoup plus cher à la société de poursuivre dans cette direction que d'augmenter le prix du diesel d'un centime par an pendant dix ans pour rattraper celui de l'essence comme le propose la Fondation Hulot.

À quelques mois des municipales et des européennes, la séquence n'est pas des plus réussies pour EELV...
J'ai le sentiment d'assister à une immense régression. Nous avons abandonné notre fonction de lanceur d'idées pour devenir un parti comme les autres, obsédé par ses jeux d'appareil. Nous risquons d'en payer le prix aux prochaines élections. A se soumettre et à chercher des arrangements, il ne faudra pas s'étonner si notre électorat nous couvre de goudron et de plumes.
 
Raphaëlle Besse Desmoulieres 
Journaliste au Monde

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